Société

À quoi servent les citoyen·ne·s face à la crise du Covid-19 ?

Vice-présidente de la Commission nationale du débat public

La prise de parole ce mardi du Premier ministre a permis une fois de plus de le vérifier : le débat démocratique apparaît totalement absent de la gestion de la crise sanitaire. Si l’urgence politique est compréhensible, elle reste aussi questionnable par le citoyen. Plus encore, penser surmonter la crise et construire « l’après » sans les citoyens est voué à l’échec : l’inclusion de la société dans l’élaboration des politiques publiques est la clé de la réussite pour une gestion efficace du risque et des catastrophes.

Depuis quelques mois, le monde entier est confronté à la crise sanitaire liée au Covid-19. Bien que banale, au sens épidémiologique du terme, cette crise, ses causes présumées, sa gestion et ses conséquences ont suscité une remise en question dans plusieurs pays des modèles de développement, de mobilité, d’aménagement du territoire et d’urbanisation associés à la mondialisation et au capitalisme.

Plusieurs slogans ou formules qui ont récemment circulé dans la sphère publique et médiatique résument cette remise en question : « On ne reviendra pas à la normalité, car c’était la normalité le problème » ; « Rien ne sera plus comme avant ». De la même manière, fleurissent les initiatives et les appels à penser collectivement et avec les citoyen·ne·s le « jour » et « le monde d’après ». Le Président de la République lui-même a déclaré, lors de sa dernière allocution le 13 avril dernier, qu’« il nous reviendra de préparer l’après. Il nous faudra bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long ».

Cette crise et sa gestion ont provoqué également une inquiétude devant des mesures de prise en charge de l’épidémie qui ont pour effet de restreindre les libertés personnelles et les droits individuels des citoyens, et plus largement de leur imposer les réponses et les mesures prises.

De ce point de vue, le Covid-19 confirme sa triste banalité en ce qu’il révèle l’attitude propre aux décideurs lorsqu’il s’agit de faire face à une situation d’urgence : réagir vite, n’interroger que les experts pour élaborer une réponse en principe à court terme, revenir vers les citoyens avec des solutions toutes faites, élaborées à huis clos avec les scientifiques. Si cette attitude, cette éthique de la responsabilité propre au politique, est compréhensible, il est néanmoins possible de montrer en quoi elle est aussi questionnable.

Si le Premier Ministre a déclaré le 28 avril vouloir ouvrir un sujet particulièrement controversé, celui du recours à l’application Stop-Covid, à « un débat 


[1] Le terme régime renvoie ici non pas à un régime politique connoté par un autoritarisme, mais à un ensemble de mécanismes, de pratiques et de règles régissant le fonctionnement d’un système, en l’occurrence le système de gestion de crise.

[2] Limes : terme latin pour indiquer une frontière mobile, une ligne de démarcation changeante.

[3] Voir Héloïse Nez, « Savoir d’usage », in CASILLO I. et alii. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013 ; et Yves Sintomer, « Du savoir d’usage au métier de citoyen ?,  Raisons politiques, vol. 31, no. 3, 2008, pp. 115-133.

Ilaria Casillo

Vice-présidente de la Commission nationale du débat public, Géographe, maîtresse de conférence, , chercheuse au laboratoire Lab’Urba

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] Le terme régime renvoie ici non pas à un régime politique connoté par un autoritarisme, mais à un ensemble de mécanismes, de pratiques et de règles régissant le fonctionnement d’un système, en l’occurrence le système de gestion de crise.

[2] Limes : terme latin pour indiquer une frontière mobile, une ligne de démarcation changeante.

[3] Voir Héloïse Nez, « Savoir d’usage », in CASILLO I. et alii. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013 ; et Yves Sintomer, « Du savoir d’usage au métier de citoyen ?,  Raisons politiques, vol. 31, no. 3, 2008, pp. 115-133.